La Maison Dieu est le seizième arcane majeur du tarot de Marseille.
Au cours du temps, le graphisme de cette carte a beaucoup évolué.
Pour Jacques Viéville (vers 1650), elle représente un arbre sous lequel un berger et son troupeau s’abritent du soleil. Dans son édition originale, le berger, les bras écartés la tête levée vers le ciel, semble recevoir une pluie, ou manne céleste, détail qui est resté dans le tarot de Marseille.
Jean Noblet (Paris, milieu du xviie siècle) et Jean Dodal (Lyon, 1715) optent pour la représentation d’une tour dont la coiffe ouverte laisse échapper une flamme ascendante en direction du soleil, deux hommes tombant de cette tour.
Enfin Nicolas Conver (Marseille, 1761) propose la version de la carte telle qu’elle est reproduite aujourd’hui, à savoir une représentation basée sur celle de Dodal, à ceci près que la flamme est représentée comme descendante et que le soleil a quasiment disparu.
Elle représente soit l’humilité, soit l’égo anéanti par l’épreuve : Destruction violente des masques et autres montages fallacieux. Salvatrice, le défi d’humilité peut être douloureux.
Si la carte apparaît à l’envers, au contraire, elle signifie que l’égo est nécessaire, qu’il y a latence dans l’évolution. On peut s’ampouler d’une construction, toutefois elle protège toujours quelque chose.
Ce symbolisme de La Maison Dieu n’est pas sans rappeler celui de la Tour de Babel. Effectivement dans la tradition biblique, la Tour de Babel fut toujours considérée comme un projet ambitieux envers lequel Dieu exerça son veto (symbolisé par la foudre dans l’iconographie de La Maison Dieu).
D’autre part le nom même de Babel, nom hébreu de Babylone fut tiré de l’akkadien bab-ili(m) signifiant « la Porte du Dieu ». On peut donc penser que le dieu de la Tour de Babel ou de La Maison Dieu n’est pas le vrai Dieu. Mais peut-être son opposé, c’est-à-dire Mammon. Ce dieu personnifiant la richesse. La traduction du mot en témoigne car en araméen le mot signifie « riche ». Donc la Tour de Babel ou la Maison Dieu seraient des allégories du capitalisme ou de l’impérialisme selon une dénomination plus biblique.
D’ailleurs la couronne sur la tour est bien là pour l’illustrer, car étant celle de Nimrod le premier roi du monde et fondateur du premier des empires selon la Bible. C’est à l’époque de la Tour de Babel qu’il régna. Son nom serait issue de l’hébreu « maradh » qui dérive du verbe « mered » signifiant « se rebeller ».
En conclusion la carte de La Maison Dieu renferme les idées d’orgueil, de richesse, d’impérialisme et de rébellion, ainsi que de chute à la suite d’une faute commise. Et si la tour est remplacée par un arbre dans le tarot de Viéville, c’est bien en rapport avec l’idée de chute. L’arbre de la connaissance du bien et du mal étant la cause de la chute adamique et à l’origine du péché originel.
Mais il y a aussi une interprétation alchimique intéressante à signaler. Le fait que le mot « taroté » se disait autrefois « d’une superficie dorée à la feuille, lorsqu’elle était poinçonnée ou gravée avec un stylet ou un poinçon pour imprimer un dessin sur l’or. Les fonds des premiers tarots enluminés étaient obtenus de cette façon » a certainement éveillé l’attention des chercheurs. Il faut en effet remarquer que l’on parle des « larmes », et non des « cartes » du tarot. La Maison Dieu, qui en cartomancie vulgaire présage (malgré son nom) une catastrophe redoutable (telle par exemple que l’a redessinée Oswald Wirth), est interprétée comme étant un athanor alchimique dont le couvercle se soulève, et devant laquelle danse le disciple (guidé par le geste et la parole du maître). « Nous voyons en réalité une tour dont le couvercle se soulève sans difficulté, comme un couvercle. Il n’est donc pas question ici de tour foudroyée. C’est tout simplement l’athanor ou four des alchimistes au moment où se produit ce qu’on appelle la première conjonction qui est le don de Dieu. Ce qui pénètre dans la tour, c’est ce nitre coruscant qui va devenir le Mercure des Philosophes. L’athanor a été souvent décrit par les auteurs anciens comme une tour ronde de briques cimentées. Ne voit-on pas, par les trois fenêtres de cette tour, qu’elle se remplit de ce grand air qu’est l’azur céleste ? C’est là le noble sang bleu qui va peu à peu se figer en miel de charité. »